La “Fête de l’Huma”, le 10 septembre 1966, la foule trépigne. Johnny, comme d’habitude, est en retard... Mais cette fois-ci, il ne viendra pas : enfermé dans sa salle de bains, il a fait une tentative de suicide. Il a ingurgité un cocktail de barbituriques et d’éther... et il s’est ouvert les veines..
En octobre, le mensuel Formidable titre: Le Vrai Johnny, ne jugez pas sans savoir !
 
 
 
 
 
 
De retour à Paris après avoir enregistré l’album La Génération Perdue à Londres, il vient d’apprendre que Sylvie veut divorcer (il n’avait pas fait l’effort d’annuler des concerts en Italie pour assister à la naissance de son fils David). Ses disques, depuis de nombreux mois, se vendent de moins en moins (Antoine, Dutronc et Polnareff sont passés par là reléguant les yés-yés au second plan). En concert, il joue parfois dans des salles à moitié vides. En outre le fisc lui réclame 400 millions de francs d’arriérés d' impôts. Alors que Johnny est à peine sorti de clinique, son nouveau 45 tours , le 20 septembre, remplit les bacs des disquaires et passe sans cesse à la radio. Certains voient dans cette tentative de suicide un gros coup de publicité. La chanson, croit-on, raconte son histoire. Noir c’est Noir sera le plus gros succès de l’automne. Un succès colossal comme il n’en avait pas connu depuis Le Pénitencier n°1 en septembre et octobre 1964.
le hit parade de Salut Les Copains du numéro d' octobre 1966.Cliquez pour visualiser l' intégralité du classement.
A l’époque, tous les 45 tours comportent 4 morceaux. Celui-ci ne fait pas exception à la règle. Pourtant sur les quatre, Johnny n’en chante que deux. Or il venait d’en enregistrer une douzaine à Londres dont deux reprises: celle de Got ToGget You Into My Life des Beatles et celle de With A Girl like You des Troggs. Deux titres seulement étaient-ils mixés, début septembre ? S’agissait-il d’un disque-testament confectionné, dans l’urgence, par la firme discographique, sans l’aval de l’artiste, immédiatement après sa tentative de suicide ? Toujours est-il qu’en quelques jours la chanson est n°1 au hit-parade.
Et pourtant, on pouvait douter du succès du disque qui n’est qu’une adaptation. La version originale, Black Is Black, est déjà bien connue du public français lorsque Johnny publie Noir c’est Noir. Le public aurait dû commencer à en “avoir ras-le-bol” de cette rengaine ! Black Is Black par le groupe espagnol Los Bravos s’adresse à priori aux “branchés” (auditeurs de S.L.C. et, accessoirement, public des discothèques qui ont dansé dessus durant tout l’été). L' un des plus gros succès anglo-saxons de l’année qui est sorti au printemps 66, grimpant jusqu’à la deuxième place en Grande-Bretagne et n°4 aux Usa, fin juillet. Or Johnny, à Londres, l’enregistra, très probablement, tout début septembre. Sa version s’adresse plutôt au grand public qui n’a entendu Black Is Black qu’épisodiquement.
 
 
 
 
 
L’orchestration de Johnny est, finalement, très différente de la version originale dont on se souvient surtout de l’intro qui met en valeur un “gros” son de guitare. L’intro de Johnny, en revanche, plus “r’n’b” que pop, est claironnante. Entendez par là le mot “clairon” : ce sont les cuivres qui prédominent. Et puis surtout elle sort au bon moment, dix jours après sa tentative de suicide. Dans ce contexte, la chanson, qui, pour beaucoup, semble nouvelle, prend valeur de symbole et de confession. Curieusement, ce texte, qui colle si bien à la peau de Johnny, porte, en réalité, les rancoeurs de son parolier, Georges Aber : il avait subi l’occupation allemande, le pensionnat, et, au début de sa carrière, l’échec et la galère. Introverti, Aber se libère le coeur par artiste interposé. Et georges Aber confiera plus tard au magazine Platine: “Les journaux titraient « Johnny a essayé de se suicider ». Quelqu’un de Philips m’a appelé : « Nous n’arrivons pas à joindre les proches de Johnny, nous devons sortir un disque pour profiter de l’impact médiatique du suicide ; pouvez-vous nous dire ce qu’il y a dans les bandes de Londres ? » J’ai aussitôt pensé à ma chanson qui était de circonstance : Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir (...) Philips a trouvé très bonne l’idée de sortir mon titre, et ils l’ont mixé sans moi”. Le titre a été enregistré en une seule fois C’est rare et remarquable, comme l’explique Aber : "Il a jeté sa chemise, comme s’il était sur scène, et a demandé de ne pas enregistrer car il allait faire une répétition. J’ai fait signe à Lee (Hallyday) d’enregistrer quand même ! Comme il hésitait, je lui ai dit “Cette bande, elle est pour moi, pour retravailler le texte; même si c’est une merde, ce n’est pas grave”. Il n’y a eu qu’une prise, mais quelle prise !”
Le 45 tours ne comporte que deux titres chantés par Johnny Hallyday. Les deux autres sont des instrumentaux signés par les Blackburds, en fait Micky Jones et Tommy Brown futurs Foreigners. ce sont eux qui ont assuré la direction musicale de l' album sous la houlette de Giorgio Gomelski. Et pour surfer sur l' actualité, il fallait sortir le 45 tours rapidement, les autres titres enregistrés à Londres n' étant pas mixés. Jones et Brown, pour l' enregistrement on fait appel à Noël Redding et Jimi Hendrix (qui fera partie de la tournée de Johnny). L' autre titre du 45 tours chanté par Johnny et qui va donner son nom à l' album est signée Long Chris et va elle aussi être un hit.